Trouver notre chemin

Par Felicity Fallon, présidente de lake aid

En novembre 2021, s’est tenue la soirée cinéma de lake aid qui, depuis, est imprimée dans nos mémoires.

Nous avons choisi de projeter La Traversée, un film d’animation qui raconte la fuite de deux enfants, loin de leur pays en guerre.

Notre but était de sensibiliser l’auditoire à la situation des mineurs isolés et des familles en demande d’asile à Annecy.

Dans le film, un frère et une sœur, arrachés à leur famille, sont contraints de traverser une mer déchaînée. Ils sont d’abord vendus à une famille riche à laquelle ils échappent, puis emprisonnés dans des conditions épouvantables, avant de fuir à nouveau.

C’est un film d’un grand esthétisme, mais choquant et triste.

Deux jours avant la projection, Guillemette, bénévole à Lake Aid, nous a annoncé qu’un groupe de six mineurs non accompagnés et de trois éducateurs d’un foyer de Lathuile participeraient à la soirée.

Ainsi avons-nous fait la connaissance de Z et O, deux Afghans de 17 ans, avec lesquels Guillemette a créé un lien familial par le biais de lake aid.

Il y avait aussi M. de Guinée, 17 ans, qu’une autre bénévole, Suzanne, accompagne et accueille régulièrement.

Alors que nous regardions le film, je me sentais de plus en plus mal à l’aise en pensant aux mineurs non accompagnés assis au premier rang.

Ces jeunes ont tous vécu des expériences aussi bouleversantes, sinon plus, que celles racontées dans le film. Des événements qui les ont amenés en France, seuls, sans famille pour les entourer.

Voir ce film leur a-t-il rappelé des souvenirs traumatiques? Auraient-ils mieux fait de pas venir ? Quels ont pu être leurs sentiments pendant le débat qui a suivi le film ?

Nous avions prévu que chaque volontaire prenne la parole pour parler de son expérience avec Lake Aid.

Quand Guillemette et Suzanne sont montées sur l’estrade et que Guillemette a commencé à parler, j’ai observé Z qui était assis juste devant moi : il a instantanément changé d’attitude, faisant taire son voisin et se redressant dans son fauteuil.

Puis, lorsqu’elle a parlé de la joie que lui procurait le temps qu’elle passait avec lui et avec O, son visage s’est illuminé et ce rayonnement a duré tant qu’elle était sur scène.

De la même façon, Suzanne a parlé de sa joie d’être devenue une “seconde famille”, accueillant chez elle et organisant des colonies de vacances pour les enfants en demande d’asile. Là aussi, les mineurs non accompagnés écoutaient avec attention, le visage rayonnant.

Puis quand Rino a pris la parole pour raconter quel défi c’était d’emmener des jeunes indisciplinés faire le tour du lac à vélo, son intervention a été accueillie par

sourires et rires.

Quel soulagement pour nous que ces jeunes, de toute évidence, aient tellement apprécié de voir leurs “accompagnants” monter sur scène pour parler d’eux.

Cependant, cette expérience me rappelle combien, avec lake aid, nous avançons à tâtons. Nous n’avons pas de mode d’emploi.

La crise des migrants a commencé en 2015 et la situation évolue encore. Chaque volontaire qui nous rejoint est un apport précieux. Aussi avons-nous été très heureux de recevoir cette semaine un email d’un membre de l’audience proposant d’accueillir et accompagner un mineur isolé. Nous avons aussi eu plus de demandes que d’habitude de personnes voulant rejoindre notre page Facebook. Pas de doute que notre objectif de sensibiliser le public a été atteint.

Nous ignorons quels seront les effets à long terme pour ces jeunes qui ont vu le film.

Nous pouvons seulement espérer que les points positifs l’emportent sur les points négatifs.

Après la soirée, M a dit à Suzanne qu’il aurait été prêt à répondre aux questions sur son expérience.

Depuis que lake aid a élargi son champ d’action aux mineurs isolés, nous avons espéré qu’ils aient l’occasion de raconter leur histoire à une plus large audience, afin que les gens puissent mieux comprendre leur situation. Mais nous avons veillé à ce qu’ils ne ressentent aucune pression.

Il semble que notre soirée cinéma ait ouvert une porte. Nous verrons où cela mène et nous espérons que vous allez nous rejoindre, d’une façon ou d’une autre, dans cette aventure.

Nous voulons aussi particulièrement remercier Claudia, Britta, Nerys, Jackie, Agathe et Carolina, qui ont présenté différents aspects du travail de lake aid.

Nos remerciements vont enfin à Isabelle Kumar et au cinéma de Talloires qui nous a reçu pour cette soirée.