Lake Aider Suzanne Baltazard parle de ses camps de vacances solidaires au bord du lac d’Annecy.

interviewée par Máirín Mc Sweeney de Lake Aid.

Suzanne, peux-tu nous dire un peu comment les camps ont commencé et depuis combien de temps ils ont lieu?

Depuis 2010, j’organise des mini-camps d’anglais pour les enfants d’amis.
Petit à petit, j’ai invité les enfants de famille demandeurs d’asile que j’avais hébergées et avec lesquels je suis heureuse de garder ainsi le contact, puisqu’elles sont maintenant logées loin d’Annecy. Aussi ai-je commencé à collaborer avec lake aid qui, depuis deux ans, couvre gracieusement les dépenses de mes trois colonies annuelles.
Dix ans plus tard, le groupe a grandi et cet été, j’ai dû le répartir sur 4 semaines: 10 enfants ont profité d’un séjour complet d’une à trois semaines dans leur foyer français! D’autres nous ont rejoints pour la journée, donc, en tout, 30 enfants se sont sentis entourés pendant ces grandes vacances.

Quel genre d’activités organises-tu pour les enfants et obtiens-tu de l’aide pour cela?

Je propose essentiellement des activités de plein air, car je constate que la plupart des familles n’ont pas l’énergie pour emmener leurs enfants se dépenser et parce que j’aime être dehors pendant mes vacances. Je cherche évidemment les activités qui ne coûtent rien (baignade au lac, dérapages à vélo dans le hameau, balades, pique-niques, jeux de piste, etc.), mais il y a toujours une gâterie : le pédalo en été et la patinoire ou la piscine en hiver. Cet été, nous avons également visité le château de Menthon et fait un tour en bateau.

Bien sûr, nous profitons aussi de temps calmes (ou pas) à la maison : jeux de société, lecture, stage d’anglais, bricolage, cuisine, crêpes parties, soirées film ou histoire, etc.
Enfin, la colonie d’hiver coïncide avec le festival Cinémino et nous faisons alors plusieurs sorties cinéma.

Lors de certaines activités, nous invitons également les mineurs isolés de la région, par exemple pour le pédalo et même une fois, pour un accro-branches !

En hiver, j’ai souvent de l’aide pour monter patiner en station, tant pour le trajet que parce que mon agilité sur des patins est trop médiocre pour pouvoir aider les enfants !

Cet été, plusieurs bénévoles de Lake aid nous ont rejoints à la plage pour apporter le pique-nique et aider à surveiller les enfants pendant la baignade. Certains ont cuisiné et apporté un dîner pour 8 personnes. D’autres ont organisé des sorties (petite rando à Montmin et après-midi piscine ; sortie paddle et canoë à Doussard).

En août, pour la dernière colo, comme il y avait 8 enfants et des cours à assurer, plusieurs bénévoles étaient présents tous les jours pour donner les cours d’anglais aux grands, cuisiner et bricoler avec les petits et emmener les pré-ados au foot ou construire une cabane, car exceptionnellement, nous avions un papa !

Et puis bien sûr, je suis reconnaissante que mes frères me laissent jouir librement de la pittoresque maison familiale pour accueillir !

Ainsi, beaucoup d’enfants issus de familles de demandeurs d’asile sont passés par tes colonies. Selon toi, qu’est-ce que les enfants apprécient le plus?

Ils aiment s’échapper du contexte familial très restreint – puisqu’ils n’ont généralement que leurs proches parents en France et personne à qui rendre visite pour les vacances -, et se retrouver avec les amis de colos en colos comme avec des cousins. Les mineurs isolés, au contraire, aiment retrouver l’ambiance familiale dont ils sont privés.

Le groupe s’étoffant d’année en année, c’est difficile de leur faire comprendre que je dois faire plusieurs colos et qu’ils ne pourront pas forcément être tous ensemble. Ils demandent toujours quand ils peuvent revenir et s’invitent les uns les autres comme si c’était chez eux. C’est précisément cela qui me donne l’impulsion pour recommencer !

As-tu des souvenirs particuliers que tu peux partager avec nous?

J’ai énormément de souvenirs toujours joyeux, mais je mettrais un +++ à la dernière colo fin août 2020, à cause de la collaboration qui s’est mise en place, ce qui a permis de fédérer nos talents respectifs.

Un souvenir m’a beaucoup touchée : celui d’un mineur isolé demandant à me confier quelque chose qui pesait sur sa vie, car, a-t-il dit, deux « anciens » du groupe lui avaient dit qu’il pouvait me faire confiance et parler.

Si tu as besoin d’aide pour améliorer l’expérience des enfants dans les camps, quelle serait-elle?

Nous sommes une belle équipe, mais ça manque de papas dynamiques pour faire jouer les garçons et les encourager pour la vie : ces enfants n’ont pas de parents, ou pas de papa, ou un papa qui n’a pas le droit de travailler… C’était vraiment précieux, à trois reprises cet été, de pouvoir compter sur des bénévoles hommes (sortie accrobranches, rando à Montmin et la dernière semaine, c’est un demandeur d’asile qui est venu aider tous les jours).

Peux-tu résumer en une phrase ce que ces camps signifient pour les enfants qui les fréquentent?

Oublier le contexte de lutte quotidienne où il faut parfois porter de lourds secrets ou être l’interprète de la famille pour raconter une histoire dans laquelle les parents voudraient pourtant qu’ils n’aient pas à replonger…