Je m’appelle Galina Mishchenko, je suis née le 15 août 1937 à Pouchkine, dans la région de Leningrad, en URSS. Mon père travaillait comme ingénieur dans une usine aéronautique à Leningrad. Quand j’avais 4 ans, la guerre a éclaté.
Le siège de Leningrad
En août 1941, le siège de Leningrad a commencé. (Dès septembre 1941, deux mois et demi après le début de l’invasion, la ville était complètement encerclée par les troupes allemandes. Le siège a duré 900 jours. Au moment du siège, il restait environ 2 millions d’habitants dans la ville, mais pendant cette période, plus d’un million de civils sont morts de faim).
L’usine où travaillait mon père a été démantelée et évacuée vers l’Oural, dans la ville de Nizhny Tagil: les ouvriers ont dû suivre. La date du départ n’était pas connue à l’avance. Elle a été annoncée deux heures avant le départ. Mes parents n’ont même pas pu prendre leurs affaires, car ils travaillaient au chargement du matériel. Je me souviens du long trajet dans un wagon de marchandises glacial, sans nourriture ni eau.
Il faisait très froid à Nizhny Tagil. Nous n’avions ni vêtements, ni logement, ni nourriture. Mes parents travaillaient 16 heures par jour, sans jour de repos. Je restais souvent seule. Il faisait très froid et nous avions très peu à manger (mon père recevait 250 grammes de pain par jour, et ma mère et moi 125 grammes chacune). Il n’y avait ni crèche ni école. Ce fut une période très difficile pour moi et ma famille.
Le mort de mon père
En décembre 1941, mon père a contracté une pneumonie et est décédé. Quand mon père est mort, il faisait -40 °C. Pour l’enterrer, ma mère et moi avons reçu l’aide de deux hommes âgés qui devaient creuser la tombe à la pelle (les jeunes étaient à la guerre ou au travail). La terre était très dure et ma mère et moi avons transporté du bois et fait un feu toute la journée pour la dégeler et pouvoir creuser.
Le lendemain, on nous a envoyé un vieil homme et une charrette tirée par un cheval, où nous avons mis le cercueil de mon père. Et nous sommes allés au cimetière. La tombe que nous avions creusée la veille était déjà occupée, un autre homme y avait été enterré. Maman s’est mise à pleurer, et l’homme avec la charrette, qui était censé nous aider, a dit qu’il avait une heure devant lui, puis qu’il partirait.
Maman ne savait pas quoi faire. Elle s’est alors mise à creuser la tombe à mains nues et à enlever des morceaux de terre. Nous l’avons fait ensemble et nous avons pleuré. Puis nous avons posé le cercueil de papa sur celui qui était déjà là et nous avons recouvert la tombe de terre. Il faisait très froid. Maman s’est gelé les doigts et s’est cassé les ongles jusqu’au sang. Elle avait 27 ans.
En voyage
Quelques jours plus tard, maman a dit que nous ne survivrions pas ici et que nous allions partir au Kazakhstan, où il fait chaud. Et nous sommes partis. Les trains réguliers ne circulaient pas. Le voyage a été très long et nous avons changé plusieurs fois de train. Nous sommes arrivés dans la région d’Almaty, dans le village de Mulaly. Ma mère a travaillé dans une ferme jusqu’à la fin de la guerre. Nous avons vécu là-bas jusqu’en 1945.
Quand la guerre a pris fin (en 1945), nous n’avions nulle part où aller, car notre maison dans la ville de Pouchkine avait été détruite pendant l’occupation. Nous sommes donc parties en Ukraine, dans la ville de Krivoy Rog, la ville natale de mon père, à l’invitation de sa famille. Son frère et ses deux sœurs y vivaient. C’est là, à l’âge de 9 ans, en 1946, que je suis allée à l’école pour la première fois.
Krivoy Rog
Au début, nous vivions chez mon oncle, puis, en 1946, ma mère s’est remariée. Après la guerre, la ville de Krivoy Rog était très détruite et nous avons vécu dans un baraquement pendant 11 ans. C’était une maison en béton dans laquelle nous avions une seule pièce de 14 m², sans commodités, sans eau, sans toilettes et sans salle de bain. Il y avait un poêle à bois et nous devions le chauffer nous-mêmes. Les toilettes étaient dans la rue, nous allions chercher l’eau loin à l’aide d’un seau et nous allions nous laver dans un bain public.
J’ai vécu toute ma vie à Krivoy Rog. J’ai fait mes études, puis j’ai travaillé pendant 35 ans comme ingénieure chimiste dans un laboratoire d’usine. Je me suis mariée et ai eu deux enfants : une fille, Tatiana, née en 1958, et un fils, Yuri, né en 1964.
En 1992, j’ai pris ma retraite. Et en 1993, mon mari, Mikhail Mikhailovitch, est décédé. En 1995, mon fils Yuri est tombé gravement malade. Je me suis occupée de lui pendant quatre ans. En 1999, il est décédé d’un cancer à l’âge de 35 ans. Sa femme est décédée dans un accident de voiture en 1995. Ils ont laissé derrière eux un fils, Stanislav Mishchenko, âgé de 11 ans, mon petit-fils.
En 2000, ma mère est décédée. Ce fut une période difficile pour moi. Je vivais dans un appartement au cinquième étage d’un immeuble sans ascenseur.
La guerre en Ukraine
En 2022, j’avais 85 ans. J’étais en mauvaise santé et j’avais du mal à marcher. Le 24 février 2022, tôt le matin, notre ville a été bombardée par des roquettes. L’aéroport et d’autres installations ont été détruits. Je ne pouvais pas croire que cela était possible. J’étais sous le choc.
Les bombardements étaient fréquents, les sirènes retentissaient très souvent pour nous avertir qu’il fallait aller nous mettre à l’abri. Il n’y avait pas d’abri près de chez moi et je ne pouvais pas descendre souvent du cinquième étage. Les sirènes retentissaient très souvent, de jour comme de nuit. J’étais en état de stress et de peur permanents. J’ai complètement arrêté de dormir, ni le jour ni la nuit, et je restais souvent assise dans le couloir, effrayée par les fenêtres et les vitres brisées. Ma santé s’est détériorée.
Un nouveau depart
En mars 2022, les troupes russes se sont approchées de la ville à une distance d’environ 70 km. Un couvre-feu a été instauré dans la ville, les trains ont cessé de circuler, les coupures d’électricité et d’eau ont commencé.
J’avais très peur. J’avais déjà vécu la guerre et les bombardements dans mon enfance, lorsque nous avons quitté Leningrad, et maintenant, à la fin de ma vie, je devais à nouveau faire face à la guerre.
J’ai compris que je ne supporterais pas cela une deuxième fois et j’ai décidé de quitter temporairement l’Ukraine avec ma fille. En partant, j’espérais que la guerre se terminerait rapidement. J’ai emporté avec moi un petit sac et suis partie pratiquement sans rien.
Оригинал на русском языке
Я, Мищенко Галина, родилась 15 августа 1937 года в городе Пушкин Ленинградской области, СССР. Мой отец работал инженером на авиационном заводе в городе Ленинград. Когда мне было 4 года началась война. В августе 1941 года началась блокада города Ленинград. (Уже в сентябре 1941 года, через 2,5 месяца после начала вторжения, город был полностью окружён немецкими войсками. Блокада длилась 900 дней. На момент блокады в городе оставалось около 2 млн жителей, за это время от голода умерло более 1 млн человек мирного населения).
Завод, где работал мой отец, был демонтирован и эвакуирован на Урал, в город Нижний Тагил. Вместе с заводом должны были ехать и работники. Дата отъезда была заранее не известна. Об отъезде стало известно за два часа. Мои родители не смогли даже взять свои вещи, так как работали на погрузке оборудования. Я помню, как долго мы ехали в холодном товарном вагоне, без еды и воды. В Нижнем Тагиле был очень холодный климат. У нас не было одежды, жилья и еды. Родители работали по 16 часов в день без выходных. Я часто оставалась одна. Было очень холодно и очень мало еды (папе давали 250 грамм хлеба в день, а нам с мамой по 125 грамм). Не было ни садика, ни школы. Это было очень трудное время для меня и моей семьи.
В декабре 1941 года мой папа заболел пневмонией и умер. Когда умер мой папа был мороз 40° градусов. Для того, чтобы его похоронить нам с мамой дали на помощь двух старых мужчин, которые должны были выкопать могилу лопатами (молодые были на войне и на работе).
Земля была очень твёрдая и мы с мамой носили дрова и жгли костёр целый день, чтобы земля оттаяла и можно было копать. На следующий день нам дали одного старого человека и телегу с лошадью, куда поставили гроб с папой. И мы поехали на кладбище. Могила, которую мы выкопали накануне была уже занята, там был похоронен другой человек. Мама начала плакать, а человек с телегой, который должен был нам помогать, сказал, что у него есть один час времени, и потом он уедет.
Мама не знала что делать. И тогда она стала руками раскапывать могилу и вынимать куски земли. Мы вместе это делали и плакали. Потом мы поставили гроб папы на тот гроб, что уже там был и закидывали могилу землёй. Был сильный мороз. Мама отморозилась себе пальцы, сломала ногти до крови. Ей было 27 лет.
Через несколько дней мама сказала, что мы здесь не выживем и будем ехать в Казахстан, там тепло. И мы поехали. Рейсовые поезда не ходили. Мы ехали очень долго и много раз пересаживались на другие поезда. Приехали мы в Алматинскую область, село Мулалы. Моя мать работала там на ферме до конца войны. Мы жили там до 1945 года.
Когда закончилась война (в 1945 году), наш дом в городе Пушкин после оккупации был разрушен и нам некуда было возвращаться, поэтому мы поехали в Украину в город Кривой Рог на родину моего отца по приглашению его семьи. Там жил его брат и две сестры.
Здесь в возрасте 9 лет в 1946 году я впервые пошла в школу. В начале мы жили у дяди, позже, в 1946 году, мама вышла замуж.
Город Кривой Рог после войны был очень разрушен и мы 11 лет жили в бараке. Это такой динный дом, в котором у нас была одна комната 14 кв.м , без удобств, в котором не было воды, туалета и ванной. Там было печное отопление и нужно было самим топить дровами. Туалет был на улице, воду носили издалека в ведре, купаться ходили в общественную баню.
В Кривом Роге я прожила всю свою жизнь. Училась, потом 35 лет работала на заводе инженером-химиком в лаборатории. Была замужем. У меня двое детей: дочь Татьяна 1958 года рождения и сын Юрий 1964 года рождения. В 1992 году я вышла на пенсию. В 1993 году умер мой муж Мищенко Николай.
В 1995 году тяжело заболел мой сын Юрий. 4 года я ухаживала за ним. В 1999 году он умер от рака в возрасте 35 лет. Его жена погибла в автокатастрофе в 1995 году. У них остался сын Мищенко Станислав 11 лет, мой внук. В 2000 году умерла моя мать. Это было трудное время для меня. Я жила в квартире на пятом этаже в доме без лифта.
В 2022 году мне было 85 лет. У меня было плохое здоровье, я плохо ходила. 24 февраля 2022 года, рано утром наш город был обстрелян ракетами. Был разрушен аэропорт и другие объекты. Я не могла поверить, что это, возможно. У меня был шок. Обстрелы были часто, очень часто звучали громкие сигналы сирен, когда нужно было идти в укрытие. Укрытия близко от моего дома не было и часто ходить с пятого этажа я не могла. Сирены звучали очень часто днём и ночью. Я была в постоянном стрессе и страхе. Я перестала спать совсем, ни днём, ни ночью и часто сидела в коридоре, боясь разбитых окон и стекла. Моё здоровье ухудшилось.
В марте 2022 года российские войска подошли к городу на расстояние около 70 км. В городе ввели комендантский час, перестали ходить рейсовые поезда, начались отключения электроэнергии и воды.
Мне было очень страшно. Однажды мне уже пришлось пережить войну и обстрелы в детстве, когда мы уезжали из Ленинграда и теперь, в конце жизни мне опять пришлось увидеть войну. Я поняла, что второй раз я это не выдержу и приняла решение уехать с моей дочерью на время из Украины. Уезжая, я надеялась, что война быстро закончится. С собой я взяла одну маленькую сумку, уехав практически без вещей.
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