
Je suis née à Kinshasa en 1998. Les temps étaient difficiles et mes parents cherchaient de villes en villes des moyens de gagner de l’argent pour vivre. Nous avons donc voyagé à travers plusieurs pays et parcouru l’Afrique en pirogue, à pied, ou par des transports de jeep qui étaient difficiles.
Nous sommes restés au Gabon pendant presque 1 an, puis nous avons pris la route pour la Libye, où, pour la première fois, j’ai enfin pu rester assez longtemps sans voyager, mais 8 ans plus tard, en 2011, la guerre civile éclata en Libye.
Il fallut donc partir vers la mer. La traversée était éprouvante et nous étions entassés, j’apercevais de l’inquiétude dans le visage de chacun. Accroupis par terre, mes parents nous serraient dans leur bras, priaient, chantaient. Ces chants, c’était la seule chose qui me rassurait dans ces moments là.
Nous sommes arrivés en France en 2013. Il a fallu 12 ans pour que je puisse être régularisée.
Aujourd’hui j’ai un mari formidable et nous avons un petit garçon : ça me console parce que, à travers lui, j’ai l’impression d’avoir une enfance que j’aurais aimée, cette stabilité et ce cadre de vie paisible.
Tous ces voyages laissent forcément des séquelles, mais j’ai la foi et cela m’apaise et me donne de l’espérance pour la suite.
I was born in Kinshasa in 1998. Times were difficult, and my parents were searching from city to city for ways to earn money to survive. So we travelled through several countries and across Africa by canoe, on foot, or by jeep, which was difficult.
We stayed in Gabon for almost a year, then we set off for Libya, where, for the first time, I was finally able to stay long enough without traveling. But eight years later, in 2011, civil war broke out in Libya.
So we had to head out to sea. The crossing was difficult, and we were crowded together; I saw the worry on everyone’s face. Crouching on the ground, my parents hugged us, prayed, and sang. These songs were the only thing that reassured me in those moments.
We arrived in France in 2013. It took 12 years for me to be legalized.
Today, I have a wonderful husband and we have a little boy: it consoles me because, through him, I feel like I’m having the childhood I would have loved, that stability and peaceful lifestyle.
All these trips inevitably leave their mark, but I have faith, and that soothes me and gives me hope for the future.
Lire son témoignage entier :
Je m’appelle Dorcas, je suis née à Kinshasa en 1998 dans une famille chrétienne. Lorsque j’eu 2 ans mes parents partirent pour chercher une vie meilleure, ils étaient déjà dans une situation difficile et n’avaient pas vraiment de “chez eux”.
Mes 2 grandes sœurs restèrent auprès des oncles et tantes car nous n’avions pas les moyens de retourner les chercher et plus le voyage se poursuivait plus nous nous rendions compte qu’on ne pouvait revenir en arrière (Aujourd’hui elles sont toujours au Congo et nous ne nous sommes jamais rencontrées).
Les temps étaient difficiles et mes parents cherchaient de villes en villes des moyens de gagner de l’argent pour vivre. Nous avons donc voyagé à travers plusieurs pays et parcouru l’Afrique en pirogue, à pied, ou par des transports de jeep qui étaient difficiles. Au départ nous étions juste mes parents, mon frère aîné et moi, puis au cours du voyage mes autres frères et sœurs sont nés dans différents pays. Parmi les pays que nous avons traversés, je ne peux citer que ceux qui ont marqué ma mémoire d’enfant.
Nous sommes restés au Gabon pendant presque 1 an puis nous avons pris la route pour la Libye. La traversée du désert en jeep était très éprouvante, on avait très peu à manger et plus assez d’eau pour s’abreuver, tout ça avec une température très élevée.
Avant la fin du voyage mes parents se sont fait escroquer, et n’ayant pas l’argent que le chauffeur nous réclamait arbitrairement, on nous enferma dans une sorte de prison. Heureusement, un des hommes qui nous détenaient remarqua que mon petit frère était très malade et il eu pitié de nous. Une fois relâché mon père trouva du travail partout où il pouvait afin de payer ces hommes.
Nous avons continué la route vers Tripoli oú pour la première fois j’ai enfin pu resté assez longtemps sans voyager (on y resta 8 ans) ce qui nous permit de souffler un peu. Là bas nous avons été inscrits dans une école. La vie se déroulait assez bien et mes parents essayaient de nous trouver de quoi vivre mais l’insécurité était pesante. Mes parents étaient souvent inquiets quand on jouait dans la cour ou quand on allait chercher du pain car bien souvent on se faisait agresser par des Libyens.
Nous étions en 2011 et la guerre civile éclata en Libye, ça devenait très inquiétant et la seule solution était de partir mais mes parents ne se voyaient pas retourner au Congo. Il fallut donc partir vers la mer. Nous n’avions pas assez d’argent alors les passeurs, voyant que nous étions une famille, proposèrent à mon père de lui rapporter une dizaine de voyageurs et lui firent confiance. Une fois les conditions remplies, nous nous sommes rendus au port très tôt le matin, nous étions le 19 avril. Il y avait plusieurs bateaux et nous étions des centaines à attendre accroupi sur le quai. Les passeurs étaient armés et nous firent comprendre que nous allions embarquer sur un bateau de pêche. Certains paniquèrent et je me rappelle particulièrement une femme près de nous qui était dans tout ses états, ils l’a menaçèrent et elle ne pu pas repartir. Ils ne nous laissaient plus le choix et il fallait monter. C’était effrayant! On nous fouilla et les passagers furent comptés. On nous pris aussi nos téléphones portables et certains papiers. Le bateau partit de Tripoli vers 6h du matin.
La traversée était éprouvante et nous étions entassé, j’apercevais de l’inquiétude dans le visage de chacun, accroupi par terre mes parents nous serraient dans leur bras, priaient, chantaient. Ces chants, c’était la seule chose qui me rassurait dans ces moments là.
À environ 14h30 nous débarquons à Lampedusa. C’était un soulagement de voir les gardes-côtes Italien venir à notre secours. Je remercie le Seigneur pour sa protection, c’est cela qui nous a aidé à tenir. Arrivés à Catania nous étions dans un camp militaire bien aménagé, il y avait pleins de cultures différentes enfermées dans ce centre en attendant d’avoir une situation administrative (papiers, logement..) et les gens se bagarraient souvent, ce n’était pas sécurisant pour une famille.
Heureusement, des sœurs Catholique ont entendu parler de nous et nous ont proposé de venir à Rome et de nous héberger. Grâce à elles nous avons pu intégrer leur école privée sans rien payer. J’ai passé de très bons souvenirs auprès d’elles dans ce cadre paisible que je n’avais jamais connu jusqu’ici. Mes parents ne connaissant pas la langue et ayant quelques connaissances en France ils décidèrent de partir, cela faisait 2 ans que nous étions en Italie, ce fut un réel déchirement de devoir quitter ce cadre si tranquille et les liens d’amitié qu’on commençait à créer. Administrativement nous étions en règle en Italie mais on ne pouvait pas faire une nouvelle demande d’asile pour la France, c’est pourquoi mes parents nous disaient pendant les derniers mois comment nous devrions nous comporter pour le passage en France et nous avons dû changer nos noms et nos âges.
Le 7 mai 2013, nous arrivons en train à Rennes chez les amis que mon père pensait retrouver. Malheureusement ils ne purent pas nous aider et nous avons fini la journée assis par terre attendant qu’une association nous prenne en charge. C’était dans le but de nous enregistrer en tant que demandeur d’asile et nous trouver un endroit où dormir. C’était très éprouvant de se retrouver à nouveau dans un squat en collectivité à dormir par terre avec d’autres réfugiés ( c’était à Kennedy, ville de Rennes), nous étions influencés par de mauvaises compagnies dans ce quartier.
Très vite, par des circonstances, le Seigneur à placé à nouveau sur notre route un couple chrétien, André et Christine, qui nous on eut à cœur mon grand frère et moi. C’était très dur la séparation avec mes parents et mes autres frères et sœurs mais on ne pouvait pas être tous ensemble dans cet endroit. Je suis arrivé dans un cadre vraiment paisible, leur amour et leur gentillesse m’ont beaucoup touchés dans ma période d’adolescence. Pour moi c’était comme mes deuxième parents et je chéris tous ces moments.
L’attente d’avoir une régularisation administrative était longue, 12 ans, j’aurais jamais pensé être régularisé. Aujourd’hui j’ai pu me mariée à un mari formidable, mariage qui fut une première fois annulé à 2 semaines de la date en vue d’une enquête visant à vérifier l’authenticité du mariage. Nous avons été interrogés pendant plus d’une heure chacun dans des bureaux séparés et nos témoins aussi, après quoi la préfecture à fini par autoriser notre mariage.
Aujourd’hui j’ai un petit garçon et ça me console parce que à travers lui j’ai l’impression d’avoir une enfance que j’aurais aimée, cette stabilité et ce cadre de vie paisible. Tous ces voyages laissent forcément des séquelles mais j’ai la foi et cela m’apaise et me donne de l’espérance pour la suite.
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