Emma et Susanna, Arménie

Je suis trop étrangère dans mon pays,
Étrangère ici,
Entre deux rives,
Entre deux silences.

Là-bas, mon nom résonne comme un écho lointain,
Ici, il trébuche sur des lèvres hésitantes.
Là-bas, on me dit partie, absente,
Ici, on me dit autre, différente.

J’ai laissé derrière moi une langue,
Un soleil, une enfance accrochée aux murs.
J’ai trouvé ici un autre ciel,
D’autres rues, d’autres murs à apprivoiser.

Mais où planter mes racines
Quand la terre sous mes pieds se dérobe ?
Où poser mes mots
Quand aucun ne semble vraiment m’appartenir ?

Je ne suis pas d’ici,
Je ne suis plus de là-bas.
Je suis un pont entre deux mondes,
Une femme aux mille visages,
Une histoire que personne ne peut enfermer

En tant que femme immigrée, je sais ce que cela signifie de devoir trouver sa place, de naviguer entre deux cultures, de porter en soi une identité façonnée par l’ailleurs et le présent.

Être une femme immigrée, ce n’est pas seulement traverser des frontières géographiques. C’est aussi affronter des regards, déconstruire des préjugés, se battre pour être entendue et reconnue. Mais c’est aussi une richesse, une force inouïe, celle de réinventer son propre chemin malgré les obstacles.

De construire chez soi ici, dans un nouvel environnement inconnu, ça commence par un petit jardin, une préparation de pain traditionnel, un geste simple mais porteur de sens. C’est semer un peu de mon passé dans cette terre nouvelle, retrouver des racines qui, bien que lointaines, restent vivantes en moi. Apprendre à apprivoiser une langue qui n’a pas bercé mon enfance, à m’imprégner de codes qui ne m’étaient pas destinés. Trouver des repères dans des rues où mon nom sonne étranger, dans des espaces où l’on questionne ma place, mon accent, ma présence.

Mais peu à peu, je tisse mes racines, je grave mon histoire dans cette terre nouvelle. Mon identité ne se réduit pas à un choix entre ici et là-bas. Je suis faite des deux, et bien plus encore. Je porte en moi la mémoire de mon passé et la promesse de mon avenir.

Être une femme immigrée, c’est apprendre à transformer l’exil en renaissance, la distance en richesse, et faire de chaque pas une affirmation de soi. Ici aussi, je bâtis, j’existe, je vis.

De l’autre côté de la mer, j’étais chez moi. Ici, tout est différent. Chaque jour est un apprentissage, une recherche de repères dans un environnement que je ne connais pas. C’est une expérience de solitude parfois, de doutes, mais aussi de découvertes.

Arriver ici, c’est comme repartir de zéro, laisser derrière soi le travail tant aimé, les amis, les habitudes qui formaient mon quotidien. C’est se retrouver face à l’inconnu, avec l’espoir d’une nouvelle vie mais aussi la nostalgie de ce qui a été perdu.

Mais l’immigration, c’est aussi la force de reconstruire, de semer des racines dans ce sol nouveau. C’est faire grandir une nouvelle version de soi, nourrie de tout ce que j’ai traversée. C’est apprendre à marcher entre deux mondes, tout en restant fidèle à l’histoire que je porte en moi.

L’immigration, c’est la promesse d’une réinvention.